Déjà très bien implanté au Maroc à travers la Somaca, Renault a ouvert un février une usine à Melloussa, près de Tanger, où sont fabriquées les modèles low cost Dacia Lodgy et Dacia Dokker. Pour Jean-Christophe Kugler, directeur des opérations dans la région Euromed (1), cette présence du constructeur sur le terrain est justifiée par des intérêts macroéconomiques et géopolitiques à long terme.
Comment se passe le démarrage de la nouvelle usine Renault-Dacia de Melloussa, près de Tanger ?
Elle a ouvert en février et on monte bien en cadence. La qualité est très correcte, les premières enquêtes clients sont très bonnes. Depuis le démarrage, on a produit 24 000 véhicules. Renault a investi 1 milliard d’euros pour deux lignes (ndlr de production). Pour l’instant, il n'y a que la première qui fonctionne mais la deuxième arrive.
Quels sont les modèles que vous produisez à Tanger ?
Nous produisons deux modèles exclusifs qui ne sont produits qu’au Maroc et uniquement à Tanger : le nouveau Dacia Lodgy et le nouveau Dacia Docker ainsi que le Docker Van, qui est la version utilitaire de Docker.
Jean-Christophe Kugler
renault.com
Ce sont des véhicules destinés à quels marchés ?
A tous les marchés internationaux. On « consomme » bien entendu une partie de ces véhicules sur le territoire marocain. Mais on est en zone franche et on doit exporter au moins 80 % de notre production. Et on l’envoie dans le monde entier.
Qu’est-ce qui a motivé Renault pour investir autant à Tanger ?
Si on ouvre une usine avec une telle capacité de production, c’est qu’on a un succès incroyable avec la gamme Dacia. Nos équipes sont très très créatives. Nous avons sept modèles qui sont très jeunes et qui fonctionnent dans tous les marchés. Que ce soit l’Europe de l’est ou de l’ouest, l’Asie, l’Amérique du sud, ça marche partout. Nous avons donc besoin de capacité de production et nous avons eu une très bonne proposition du gouvernement marocain. D’un point de vue macroéconomique et géopolitique, s’installer au nord de l’Afrique avec une grande usine, c’est un point intéressant pour la conquête de l’Afrique.
« On a embauché 6 000 personnes »
Vous êtes le seul constructeur à avoir des capacités de production en Afrique ?
Non, en Afrique, il y a d’autres constructeurs, notamment en Afrique du sud où Mercedes, Nissan etc. ont des usines. Par contre, au Maroc, nous sommes le seul constructeur. Avec deux usines : une usine historique qui a un peu plus de 50 ans et qui s’appelle la Somaca. Et donc la nouvelle usine de Melloussa, près de Tanger. La Somaca, c’est une petite usine qui marche très bien et qui fait également un très bon niveau de qualité. Elle fait aujourd’hui l’ancien Kangoo, la Sandero ainsi que la Logan. Et elle exporte à peu près la moitié de sa production.
A Tanger, le personnel a exclusivement été recruté localement ?
Bien entendu. Notre objectif, c’est d’accompagner le développement économique du pays, de former les Marocains ; et que les Marocains prennent leur destin en main. C’est une usine marocaine, pilotée par des Marocains. On a envoyé des experts du monde entier, Turcs, Espagnols, Roumains, Français bien sûr. Tout le monde est venu au départ pour former les équipes marocaines. Un certain nombre d’expatriés sont aussi venus en support et avaient pour mission de former leurs remplaçants. On a embauché toute une élite marocaine de manageurs qui sont en train d’être préparés et qui vont diriger cette usine. Cela fait maintenant huit mois qu’on tourne et on commence à mettre les premiers manageurs en place, en pilotage direct des équipes. Quand on aura démarré les deux lignes, on aura embauché 6 000 personnes dans la région de Tanger.
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Et donc, à terme, le directeur de l’usine est appelé à être un Marocain ?
Oui. On a d’ailleurs déjà identifié des Marocains qui pourront prendre la tête de l’usine. Notre objectif, c’est vraiment d’augmenter le niveau de qualification et de compétence. Et d’avoir aussi des usines « autoporteuses ». On n’a pas envie d’avoir, pendant des années, des expatriés au sein de ces entités. Et ça démarre très bien, avec une très bonne ambiance de travail. Le personnel marocain que l’on a embauché est très travailleur, très sérieux, très concentré et il apprend vite.
Quelle langue parle-t-on à l’usine ?
Les deux langues, le français et l’arabe. Cela dépend du niveau d’éducation. En chaîne, il y a beaucoup de documentation visuelle : des photos pour expliquer les modes opératoires. Et quand il y a besoin d’une explication, cela peut être de l’arabe pur. Cela peut être aussi de l’arabe avec quelques mots français qui sont des mots techniques, que les gens comprennent et qu’ils ne comprendraient pas en arabe. En revanche, les documentations techniques sont en français pour les gens de bureau qui, eux, ont fait de l’ingénierie, des études en France ou des études en français au Maroc.
« Une classe moyenne va émerger »
L’intérêt majeur pour Renault de s’installer au Maroc, c’était quand même avant tout le faible coût de la main d’œuvre (2)…
Il y a deux intérêts. Il y a effectivement le coût de la main d’œuvre. Et il y a la localisation en Afrique. Quand on regarde ce qui se passera dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, tout le monde sait que, après la Chine, le futur réservoir de main d’œuvre du monde se trouvera en Afrique. Les projections sont là. On sait que ça va se développer très vite et on sait qu’une classe moyenne va émerger. Et cette classe moyenne, elle va vouloir consommer. Donc, nous, stratégiquement, ça nous intéresse d’être toujours au coeur des marchés qui vont se développer.
Le fait d’être les seuls, pour le moment, à « produire local » sera un gros atout, vous pensez ?
Oui mais je pense que Renault est déjà considéré au Maroc comme une marque nationale. Parce que cela fait très longtemps qu’on est installé là-bas. Nos réseaux sont très présents avec une densité très forte. Le petit mécano Renault du coin de la rue, tout le monde le connaît depuis des générations. On est déjà Marocains depuis très longtemps, en fait.
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Renault aurait également un projet d’usine en Algérie, qu’en est-il ?
On a un projet potentiel en Algérie. Le marché algérien est un marché très important. Il fait 400 000 véhicules par an alors que le marché marocain fait 120 000 véhicules par an. On n’est donc pas dans la même échelle. En fait, le gouvernement algérien s’est rapproché de nous et nous a demandé si on était d’accord pour faire une étude de faisabilité sur une industrie automobile. Etant donné que l’on souhaite, dans tous les pays où nous sommes sollicités par les gouvernements, accompagner le développement économique des pays – et à chaque fois qu’on l’a fait, cela s’est avéré gagnant-gagnant pour le gouvernement en question et pour Renault – nous répondons systématiquement présent quand on a des démarches de ce type-là. Donc, depuis le 25 mai, on a signé un MMOU (Ndlr Master Memorandum of Understanding, autrement dit un protocole d’entente) avec le gouvernement algérien. On a une équipe de négociation et, en face de nous, on a affaire à des gens très sérieux. Ça discute ! On cherche à faire fonctionner la faisabilité de ce projet, sachant, bien sûr, que ce ne sera pas juste une usine Renault ; mais aussi le tissu fournisseur qui doit se développer avec un objectif prioritaire : le marché local. Comme ce serait le début d’une industrie, on commencerait par une production assez raisonnable mais qui serait largement insuffisante par rapport aux besoins du marché local.
« L'Angola a un fort potentiel »
D’autres pays africains vous ont-ils contacté ?
Pour l’instant, non. Mais pour aider le développement économique des pays, il n’y a pas que fabriquer des usines. Quand on regarde l’Afrique subsaharienne, il y a énormément de véhicules d’occasion et très peu de véhicules neufs. Il y a clairement un business de la réparation. Nous, on a une grande expertise dans le domaine de la carrosserie, de la mécanique, de la réparation ; et on pense que l’on pourrait monter des opérations de type « training centers » (centres d’apprentissage) pour former des mécaniciens, des carrossiers... On l’a fait dans d’autres pays. Et on est tout à fait ouvert à tout gouvernement qui souhaiterait entamer des démarches de ce type-là.
Il y a des pays qui vous semblent pouvoir offrir un terrain plus favorable que d’autres ?
Oui. Il y a des pays dont le potentiel va se révéler plus vite que d’autres. Je citerais l’Angola par exemple. C'est un pays stabilisé politiquement, avec de très bons businessmen. On a un excellent partenaire en Angola et notre gamme marche très bien. On prend des parts de marché de façon très très rapide et le marché lui-même est en train d’exploser. Dans des pays comme cela, on a tout intérêt à prendre des positions en pensant à l’avenir.
Et des pays comme la Tunisie et l’Egypte par exemple ?
Ce sont des pays beaucoup moins instables qu’on pourrait le penser. Nous sommes en affaires avec la Tunisie et l’Egypte. On a un peu senti l’effet du printemps arabe mais, vu qu’on n’était encore qu’un petit acteur, en Egypte on ne l’a pas trop senti. Par contre, maintenant, on est train de monter en puissance. On voit que la stabilité est là et on a un très très bon partenaire en Egypte sur lequel on s’appuie. On a des plans ambitieux ensemble et on est assez confiant sur l’Egypte. En Tunisie, on marche bien et on ne voit pas de raison non plus de « douter » de la Tunisie.
.Par Christophe Carmarans
rfi
Comment se passe le démarrage de la nouvelle usine Renault-Dacia de Melloussa, près de Tanger ?
Elle a ouvert en février et on monte bien en cadence. La qualité est très correcte, les premières enquêtes clients sont très bonnes. Depuis le démarrage, on a produit 24 000 véhicules. Renault a investi 1 milliard d’euros pour deux lignes (ndlr de production). Pour l’instant, il n'y a que la première qui fonctionne mais la deuxième arrive.
Quels sont les modèles que vous produisez à Tanger ?
Nous produisons deux modèles exclusifs qui ne sont produits qu’au Maroc et uniquement à Tanger : le nouveau Dacia Lodgy et le nouveau Dacia Docker ainsi que le Docker Van, qui est la version utilitaire de Docker.
Jean-Christophe Kugler
renault.com
Ce sont des véhicules destinés à quels marchés ?
A tous les marchés internationaux. On « consomme » bien entendu une partie de ces véhicules sur le territoire marocain. Mais on est en zone franche et on doit exporter au moins 80 % de notre production. Et on l’envoie dans le monde entier.
Qu’est-ce qui a motivé Renault pour investir autant à Tanger ?
Si on ouvre une usine avec une telle capacité de production, c’est qu’on a un succès incroyable avec la gamme Dacia. Nos équipes sont très très créatives. Nous avons sept modèles qui sont très jeunes et qui fonctionnent dans tous les marchés. Que ce soit l’Europe de l’est ou de l’ouest, l’Asie, l’Amérique du sud, ça marche partout. Nous avons donc besoin de capacité de production et nous avons eu une très bonne proposition du gouvernement marocain. D’un point de vue macroéconomique et géopolitique, s’installer au nord de l’Afrique avec une grande usine, c’est un point intéressant pour la conquête de l’Afrique.
« On a embauché 6 000 personnes »
Vous êtes le seul constructeur à avoir des capacités de production en Afrique ?
Non, en Afrique, il y a d’autres constructeurs, notamment en Afrique du sud où Mercedes, Nissan etc. ont des usines. Par contre, au Maroc, nous sommes le seul constructeur. Avec deux usines : une usine historique qui a un peu plus de 50 ans et qui s’appelle la Somaca. Et donc la nouvelle usine de Melloussa, près de Tanger. La Somaca, c’est une petite usine qui marche très bien et qui fait également un très bon niveau de qualité. Elle fait aujourd’hui l’ancien Kangoo, la Sandero ainsi que la Logan. Et elle exporte à peu près la moitié de sa production.
A Tanger, le personnel a exclusivement été recruté localement ?
Bien entendu. Notre objectif, c’est d’accompagner le développement économique du pays, de former les Marocains ; et que les Marocains prennent leur destin en main. C’est une usine marocaine, pilotée par des Marocains. On a envoyé des experts du monde entier, Turcs, Espagnols, Roumains, Français bien sûr. Tout le monde est venu au départ pour former les équipes marocaines. Un certain nombre d’expatriés sont aussi venus en support et avaient pour mission de former leurs remplaçants. On a embauché toute une élite marocaine de manageurs qui sont en train d’être préparés et qui vont diriger cette usine. Cela fait maintenant huit mois qu’on tourne et on commence à mettre les premiers manageurs en place, en pilotage direct des équipes. Quand on aura démarré les deux lignes, on aura embauché 6 000 personnes dans la région de Tanger.
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Et donc, à terme, le directeur de l’usine est appelé à être un Marocain ?
Oui. On a d’ailleurs déjà identifié des Marocains qui pourront prendre la tête de l’usine. Notre objectif, c’est vraiment d’augmenter le niveau de qualification et de compétence. Et d’avoir aussi des usines « autoporteuses ». On n’a pas envie d’avoir, pendant des années, des expatriés au sein de ces entités. Et ça démarre très bien, avec une très bonne ambiance de travail. Le personnel marocain que l’on a embauché est très travailleur, très sérieux, très concentré et il apprend vite.
Quelle langue parle-t-on à l’usine ?
Les deux langues, le français et l’arabe. Cela dépend du niveau d’éducation. En chaîne, il y a beaucoup de documentation visuelle : des photos pour expliquer les modes opératoires. Et quand il y a besoin d’une explication, cela peut être de l’arabe pur. Cela peut être aussi de l’arabe avec quelques mots français qui sont des mots techniques, que les gens comprennent et qu’ils ne comprendraient pas en arabe. En revanche, les documentations techniques sont en français pour les gens de bureau qui, eux, ont fait de l’ingénierie, des études en France ou des études en français au Maroc.
« Une classe moyenne va émerger »
L’intérêt majeur pour Renault de s’installer au Maroc, c’était quand même avant tout le faible coût de la main d’œuvre (2)…
Il y a deux intérêts. Il y a effectivement le coût de la main d’œuvre. Et il y a la localisation en Afrique. Quand on regarde ce qui se passera dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, tout le monde sait que, après la Chine, le futur réservoir de main d’œuvre du monde se trouvera en Afrique. Les projections sont là. On sait que ça va se développer très vite et on sait qu’une classe moyenne va émerger. Et cette classe moyenne, elle va vouloir consommer. Donc, nous, stratégiquement, ça nous intéresse d’être toujours au coeur des marchés qui vont se développer.
Le fait d’être les seuls, pour le moment, à « produire local » sera un gros atout, vous pensez ?
Oui mais je pense que Renault est déjà considéré au Maroc comme une marque nationale. Parce que cela fait très longtemps qu’on est installé là-bas. Nos réseaux sont très présents avec une densité très forte. Le petit mécano Renault du coin de la rue, tout le monde le connaît depuis des générations. On est déjà Marocains depuis très longtemps, en fait.
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Renault aurait également un projet d’usine en Algérie, qu’en est-il ?
On a un projet potentiel en Algérie. Le marché algérien est un marché très important. Il fait 400 000 véhicules par an alors que le marché marocain fait 120 000 véhicules par an. On n’est donc pas dans la même échelle. En fait, le gouvernement algérien s’est rapproché de nous et nous a demandé si on était d’accord pour faire une étude de faisabilité sur une industrie automobile. Etant donné que l’on souhaite, dans tous les pays où nous sommes sollicités par les gouvernements, accompagner le développement économique des pays – et à chaque fois qu’on l’a fait, cela s’est avéré gagnant-gagnant pour le gouvernement en question et pour Renault – nous répondons systématiquement présent quand on a des démarches de ce type-là. Donc, depuis le 25 mai, on a signé un MMOU (Ndlr Master Memorandum of Understanding, autrement dit un protocole d’entente) avec le gouvernement algérien. On a une équipe de négociation et, en face de nous, on a affaire à des gens très sérieux. Ça discute ! On cherche à faire fonctionner la faisabilité de ce projet, sachant, bien sûr, que ce ne sera pas juste une usine Renault ; mais aussi le tissu fournisseur qui doit se développer avec un objectif prioritaire : le marché local. Comme ce serait le début d’une industrie, on commencerait par une production assez raisonnable mais qui serait largement insuffisante par rapport aux besoins du marché local.
« L'Angola a un fort potentiel »
D’autres pays africains vous ont-ils contacté ?
Pour l’instant, non. Mais pour aider le développement économique des pays, il n’y a pas que fabriquer des usines. Quand on regarde l’Afrique subsaharienne, il y a énormément de véhicules d’occasion et très peu de véhicules neufs. Il y a clairement un business de la réparation. Nous, on a une grande expertise dans le domaine de la carrosserie, de la mécanique, de la réparation ; et on pense que l’on pourrait monter des opérations de type « training centers » (centres d’apprentissage) pour former des mécaniciens, des carrossiers... On l’a fait dans d’autres pays. Et on est tout à fait ouvert à tout gouvernement qui souhaiterait entamer des démarches de ce type-là.
Il y a des pays qui vous semblent pouvoir offrir un terrain plus favorable que d’autres ?
Oui. Il y a des pays dont le potentiel va se révéler plus vite que d’autres. Je citerais l’Angola par exemple. C'est un pays stabilisé politiquement, avec de très bons businessmen. On a un excellent partenaire en Angola et notre gamme marche très bien. On prend des parts de marché de façon très très rapide et le marché lui-même est en train d’exploser. Dans des pays comme cela, on a tout intérêt à prendre des positions en pensant à l’avenir.
Et des pays comme la Tunisie et l’Egypte par exemple ?
Ce sont des pays beaucoup moins instables qu’on pourrait le penser. Nous sommes en affaires avec la Tunisie et l’Egypte. On a un peu senti l’effet du printemps arabe mais, vu qu’on n’était encore qu’un petit acteur, en Egypte on ne l’a pas trop senti. Par contre, maintenant, on est train de monter en puissance. On voit que la stabilité est là et on a un très très bon partenaire en Egypte sur lequel on s’appuie. On a des plans ambitieux ensemble et on est assez confiant sur l’Egypte. En Tunisie, on marche bien et on ne voit pas de raison non plus de « douter » de la Tunisie.
.Par Christophe Carmarans
rfi