Article de la semaine:L’économie marocaine face à la crise mondiale




En 2008, le Maroc a tiré son épingle du jeu même si le dernier trimestre a été dramatique pour l’économie mondiale. En effet, son système financier étant tellement bien protégé, ce n’est qu’en 2009 qu’il a commencé à vraiment ressentir les conséquences de la crise économique internationale sur son économie réelle. Exportations, investissements directs étrangers, tourisme, industrie ou encore transferts des MRE… autant de secteurs touchés progressivement par les effets du marasme économique international.
Le dernier trimestre de l’année 2008 a plongé le monde dans une crise sans précédent, financière au départ, mais qui a touché par la suite de larges pans de l’activité économique réelle. Industrie, tourisme, échanges commerciaux mondiaux… Tout ou presque y est passé. Le Maroc, pays dont l’économie libérale est largement ouverte sur le reste du monde, a également été touché par cette crise. Au départ, le discours officiel a été des plus rassurants. Le gouvernement a orchestré dès septembre 2008 des sorties médiatiques pour calmer les esprits des Marocains assurant que l’économie nationale se trouve à l’abri de cette crise qui secoue les pays les plus développés dans le monde. Mais petit à petit, des difficultés ont commencé à faire leur apparition. Les secteurs les plus touchés sont ceux en relation très directe avec les marchés étrangers, européens notamment. C’est ainsi que les professionnels du textile et de l’industrie automobile ont dû tirer la sonnette d’alarme dès le quatrième trimestre de l’année 2008. Les équipementiers automobiles ont annoncé une réduction de leur production des deux tiers. En outre, les pertes d’emploi dans le secteur du textile ont été estimées par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale à 9.700 postes entre janvier et mars 2009 par rapport à la même période de l’année précédente.
Mais le tableau n’est pas totalement sombre. La bonne nouvelle est venue du secteur primaire, locomotive incontournable du Produit Intérieur Brut au Maroc. Grâce aux précipitations soutenues qui ont concerné une bonne partie du territoire national, la production agricole est en mesure de maintenir les niveaux de croissance de l’économie marocaine.
Récolte record  
«C’est une récolte record dans les annales de la production agricole». C’est ainsi que le Ministre de l’Agriculture Aziz Akhannouch a annoncé, à l’occasion de la tenue de la quatrième édition du Salon international de l’agriculture de Meknès, la bonne nouvelle. La campagne agricole 2008-2009 a été exceptionnelle, surtout pour les céréales et légumineuses avec un record de 102 millions de quintaux. Dame Nature a été plus que clémente avec le royaume pour la dernière campagne agricole. La pluviométrie record qui s’est abattue depuis octobre 2008 sur les différentes régions du pays y est pour quelque chose. La région de l’Atlantique Nord-Ouest (Tanger) a accueilli en trois mois plus de 1.200 mm de pluie, ce qui dépasse la moyenne pluviométrique annuelle de toute la région (aux alentours de 1.000 mm). Mais les perspectives ne sont pas roses pour toutes les filières agricoles. Les exportateurs d’agrumes ont par exemple revu leurs ambitions à la baisse pour 2009. Les professionnels ont tablé au départ sur un volume à l’export de 650.000 tonnes. Leur optimisme se base sur les réalisations de la filière une année auparavant avec un total de 582.000 tonnes d’agrumes exportés. Mais au fil des mois, ils ont dû revoir leur copie. Au 25 mars, ils n’ont pu exporter que 400.000 tonnes contre 420.000 pour la même période de la campagne précédente. Il faut dire que la filière a été touchée de plein fouet par les intempéries que de nombreuses régions fortement productrices d’agrumes ont connu. C’est le cas du Gharb dont 60.000 hectares ont été inondés en janvier/février 2009. Pour cette seule région, les pertes sont estimées à quelque 50.000 tonnes. Autre filière qui ne profite pas de l’enthousiasme agricole ambiant, celle de la production des produits maraîchers. Les producteurs de pommes de terre, très concentrés dans la région du Gharb, ont également perdu une bonne partie de leur récolte à cause des inondations. Résultat, une flambée sans précédent sur les marchés nationaux de cette denrée alimentaire essentielle pour l’alimentation de millions de marocains.
Phosphate en difficulté
Si l’année 2007 a été un bon cru pour les exportations de phosphate, grâce à l’envolée des cours de ce minerai sur les marchés internationaux, 2008 a connu les premiers symptômes d’un retournement de situation. En effet, l’évolution de la production du phosphate ne s’est pas inscrite dans une évolution régulière au cours de l’année qui s’est écoulée, ayant été marquée par des hauts et des bas. La plus importante augmentation a été observée de février à mars avec une croissance de 16% alors que le passage de septembre à octobre a été caractérisé par une chute de 27,7%. Conséquence: le Maroc a terminé l’année 2008 sur une baisse de 7,2% de sa production de phosphate brut par rapport aux niveaux enregistrés en 2007 (25,8 millions de tonnes en 2008 contre 27,8 millions de tonnes une année auparavant). Pour sa part, la production des engrais phosphatés a baissé de 16,3% en 2008 par rapport à 2007. Idem pour la production d’acide phosphorique (-19,8% en une année). Cette décroissance a continué lors des premiers mois de 2009. Ainsi, les exportations de phosphate et de produits phosphatés ont accusé une baisse vertigineuse de 60% à fin février de l’année en cours par rapport à la même période de 2008.
En cause, un recul de la demande mondiale sur les engrais, engendré par l’assèchement des crédits bancaires alloués aux agriculteurs. C’est donc après des résultats record sur les deux dernières années que l’Office Chérifien des Phosphates connaît une baisse de son chiffre d’affaires, de l’ordre de 20% pour les trois premiers mois de 2009.
Industrie au ralenti
La production et les exportations de phosphates ne sont pas les seuls secteurs stratégiques pour le royaume qui accusent des baisses à l’export. Il en est de même pour d’autres activités industrielles, fortement touchées par la récession économique que connaissent plusieurs pays de la zone euro. En tête de liste de ces secteurs, le textile pour lequel les exportations ont baissé en 2008 de 10%. La baisse a continué en 2009, ce qui a poussé le gouvernement à mettre en place un traitement de choc pour freiner la contagion de la crise mondiale. Ce plan de relance de l’activité industrielle s’étale de 2009 à 2015 et sera doté de 12,4 milliards de dirhams. Créer 220.000 emplois directs et augmenter le PIB de 50 milliards de dirhams comptent parmi les objectifs de ce «pacte national pour l’émergence industrielle». Ce contrat-programme, qui compte au total 111 mesures dont 48 concernent la compétitivité des entreprises, sera centré sur l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique et l’électronique.
Mais en attendant la concrétisation de ces différentes mesures, l’heure est à la baisse de l’activité industrielle. Et cette décroissance s’est répercutée sur la demande d’électricité qui est passée de 6,1% en 2007 à 5,1% en 2008. Le recul a été constaté dès le second trimestre de cette dernière année au cours duquel la demande a progressé en glissement annuel de 3,7% au lieu de 7,8% au premier trimestre 2008. Directement en cause de cette baisse de la demande en électricité: le tassement de la demande des industriels qui a régressé en octobre et en décembre 2008 de respectivement 0,8% et 2,3%. Il s’agit de la première baisse considérable depuis l’année 2002. Parallèlement, la production locale d’électricité a progressé sur les douze mois de 2008 de 3,3% contre 0,1% un an auparavant. Cette progression résulte d’un nouvel arbitrage plus favorable à la production locale par rapport aux importations. En effet, celles-ci n’ont progressé que de 21% au lieu de 73% en 2007 et de 149% en 2006, en liaison avec la baisse des cours des matières premières énergétiques au second trimestre 2008 et la décélération de la demande nationale.
Le secteur du raffinage s’inscrit également dans une baisse de la production de 10,9%, due à la décroissance de la demande en fuel des centrales thermiques de 50%, alors que les ventes totales des produits raffinés, assurées en partie par le recours aux importations, ont progressé de 9,4%. Autre fait majeur, l’introduction sur le marché national du gasoil 50 ppm depuis janvier 2009, en remplacement progressif du gasoil 350 ppm et de la suppression pure et simple du gasoil normal, très nocif pour l’environnement. 
Immobilier BTP: qui a dit crise?
Crise ou pas, les secteurs de l’immobilier et du BTP maintiennent leur tendance haussière toujours aussi élevée. Ces activités ont en effet terminé l’année avec une croissance de l’ordre de 9,4% de leur valeur ajoutée.
Cette performance est principalement liée à la dynamique toujours aussi soutenue des projets de l’habitat social, bien qu’il n’y ait pas eu de nouvelles conventions signées avec l’Etat pour développer de nouveaux produits.
Cette croissance provient aussi du programme des nouvelles villes qui commence à prendre forme, notamment à Tamansourt dans la région de Marrakech et Tamesna aux environs de Rabat (les problèmes dans les réalisations de ces villes sont survenus en 2009).
Par ailleurs, les activités de travaux publics profitent de la politique des grands chantiers d’infrastructures de base. Les autoroutes Marrakech-Agadir et Fès-Oujda sont en construction, sans oublier le vaste chantier du port Tanger Med. Il faut également noter la contribution du privé, à travers l’aménagement des zones touristiques et industrielles.
Tous ces projets ont permis aux activités de construction et de travaux publics d’avoir des effets d’entraînement positifs sur plusieurs industries. Cela s’est d’abord traduit par une augmentation de 9,9% de la consommation de ciment, qui a atteint 14,1 millions de tonnes. Ensuite, il y a l’accélération de la distribution des crédits immobiliers. Sans oublier la hausse des investissements directs étrangers dans le secteur immobilier. Ces investissements ont marqué une hausse de 22,6% sur un an. Ils représentent 33% du total des investissements directs étrangers, tous secteurs confondus.
En marge de ces réalisations, plusieurs nouveautés ont marqué la structure de l’offre immobilière en 2008. En effet, cette année  a connu le lancement d’une nouvelle offre de logements sociaux à 140.000 dirhams, au profit des ménages à faible revenu. Cette offre a été fortement contestée par certains promoteurs immobiliers qui l’ont jugée irréaliste. Néanmoins, certains d’entre eux ont fini par y adhérer, mais à une échelle réduite. Ajoutée à cela, la poursuite de la réalisation des programmes de résorption de l’habitat insalubre, notamment dans le cadre du programme villes sans bidonvilles qui s’est soldé en 2008 par la destruction de 50.000 baraques. En 2008, le gouvernement a décidé, dans une convention avec la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers, la mobilisation d’une réserve foncière publique de 3.853 hectares sur la période 2009-2012, notamment par l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation. Aux dernières informations, les terrains seront répartis à parts égales entre logements à 140.000 dirhams, logement social, et immobilier de moyenne gamme. En plus de la mobilisation du foncier, plusieurs mesures ont été prises pour la consolidation et le développement du financement hypothécaire. Cela se matérialise par la création du fonds Damane Assakane qui garantit désormais l’achat de logement pour une valeur égale à 800.000 dirhams.
De plus, les pouvoirs publics ont préparé un plan d’action pour la période 2008-2012, destiné à limiter les pratiques spéculatives et à stabiliser les prix sur le marché immobilier. Cela passe d’abord par la réactivation de la taxe sur les terrains non bâtis. En plus, le feu vert a été donné pour l’application du droit de préemption au profit de l’Etat et la mise en place d’un nouveau code de commercialisation des programmes immobiliers sociaux.
Cerise sur le gâteau, le Ministère de tutelle envisage de mettre en place un observatoire national dédié au secteur. Les travaux de cette instance seront axés sur une série d’études régionales qui détermineront les spécificités de chaque localité. L’objectif étant de doter les opérateurs de l’immobilier résidentiel d’une meilleure visibilité sur leur activité à moyen et long terme.
Tourisme en crise
Autre secteur fortement dépendant de la conjoncture internationale, le tourisme. Au cours de l’année 2008, les arrivées des touristes étrangers au Maroc ont connu une évolution en dents de scie.
Des pics ont été enregistrés aux mois de mars, juillet et octobre, mois durant lesquels les variations mensuelles ont dépassé les 20%. Des creux ont également été enregistrés atteignant même 27% aux mois de janvier et de septembre. Mais globalement, l’année dernière s’est terminée sur une baisse des nuitées dans les établissements classés de l’ordre de 2,6% passant de 16,8 millions de nuitées en 2007 à 16,4 millions douze mois plus tard.
Le taux d’occupation globale a reculé quant à lui de 48% à 45% sur la même période. Cette vague de recul de l’activité touristique se poursuit en 2009, plongeant le secteur dans une grande incertitude.
Au cours du mois de février 2009 par exemple, le nombre de nuitées enregistrées dans les établissements d’hébergement touristique classés affiche une baisse de 10%.
Une baisse à mettre essentiellement à l’actif des non-résidents (-11% par rapport à février 2008).
Durant ce même mois de février, toutes les destinations touristiques ont affiché des résultats négatifs en termes de nuitées. Ainsi, à part Fès (+14%) et Meknès (+8%), les autres villes ont enregistré des baisses de leurs nuitées (18% pour Marrakech, -1% pour Agadir, 4% pour Casablanca, 31% pour Ouarzazate, 11% pour Tanger et 18% pour Rabat). Cette baisse touche les principaux marchés émetteurs de touristes: la France (9%), le Royaume-Uni (31%), l’Allemagne (2%), l’Espagne (11%), l’Italie (5%) et la Belgique (17%).
Quid des finances publiques?
La crise est donc effective pour notre pays, ce qui ne manquera pas d’impacter l’exercice budgétaire de 2009.
Premier élément à prendre en considération, la baisse des transferts des Marocains Résidant à l’Etranger.
Standard&Poor’s estime, dans une étude publiée en mars dernier, la baisse de ces transferts entre 5 et 10% pour le Maroc sur l’année en cours. Crise passagère ou problème structurel? Toujours est-il que les finances publiques en 2008 se sont bien comportées. 2008 s’est soldée par un excédent budgétaire de 3,2 milliards de dirhams, grâce à la forte expansion des recettes fiscales. Ces dernières, de l’ordre de 168,3 milliards de dirhams, ont augmenté de 24,2%, soit un taux de réalisation de 115,1% des prévisions initiales du budget 2008.
Cette hausse est liée essentiellement au produit de l’impôt sur les sociétés, qui a augmenté de 60,2% pour atteindre 40,3 milliards de dirhams.
Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, il a atteint 30 milliards de dirhams, soit une progression de 18,7%. Idem pour les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée qui ont enregistré une hausse de 23,9% par rapport à fin 2007, s’élevant à près de 57 milliards de dirhams.
Sur la base de ces évolutions, il ressort que les effets de la crise économique ont commencé à se diffuser lentement au niveau de l’économie nationale à partir du second semestre 2008. Le Haut Commissariat au Plan et Bank Al-Maghrib ont réduit leur estimation de la croissance du PIB en 2008 de 0,5 point de pourcentage pour se situer à 5,8%.
Pour 2009, compte tenu de l’ensemble de ces évolutions, les prévisions établies dans le cadre du budget économique prévisionnel du HCP publié en février 2009 prévoient une croissance de 6,7%, essentiellement sur la base d’une augmentation de 22,3% de la valeur ajoutée agricole et de 3,9% de celle des activités non agricoles.
L’inflation de retour
En 2008, la hausse des prix a repris. La vie est ainsi devenue plus chère dans les quatre coins du pays. L’indice du coût de la vie a augmenté de presque 3,9% au terme des douze mois de l’année dernière en comparaison avec la même période de 2007. Ce sont les prix des produits alimentaires, dont la progression au cours de la même période a atteint 6,8%, qui en sont la cause directe. En dépit de cette évolution, la tendance fondamentale des prix demeure orientée à la baisse comme le confirme la décélération de l’indice de l’inflation sous-jacente, revenu de 3,5% à 3,3% entre novembre et décembre 2008. Par ailleurs, le tassement des cours mondiaux des matières premières alimentaires impacte à la baisse les prix intérieurs.
par les500.com
 
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